Carnet de textique n° 2 Palinodies

Cet écrit correspond à une contribution destinée au vingt-et-unième Séminaire de textique (Semtext), qui s’est déroulé du 2 au 11 août 2009 à Cerisy-La-Salle.

Il a pour objet l’analyse d’un dessin humoristique de Philippe Geluck, une case unique représentant le personnage récurrent du chat et jouant sur la reprise d’un aphorisme bien connu, « Qui peut le plus, peut le moins ». L’illustration qui reproduit ce document n’apparaît qu’au milieu de l’étude, les considérations qui précèdent servant à introduire, en lien avec la démarche théorique de la textique, les notions utiles pour bien comprendre ensuite les mécanismes en cause, notamment ceux qui déterminent des effets expressifs.

C’est alors que les particularités de l’objet étudié peuvent être plus précisément éclairées. Elles sont bien plus complexes qu’il n’y paraît à la découverte immédiate du jeu de mots proposé par le dessinateur. En effet les altérations qu’il apporte aux deux adverbes substantivés de la formule courante suscitent non seulement une accentuation des idées qui leur sont associables, mais elles possèdent également une aptitude emblématique par rapport à la manipulation effectuée.

Ainsi, par un basculement dont l’intitulé annonce le mécanisme, que la textique nommait alors une palinodie, d’apparentes erreurs de graphie se retournent en une expressivité, qui elle-même se double d’une réflexivité. Il en ressort que des fonctionnements tout à fait distincts se conjuguent dans l’écrit.

Nul doute que l’approche méthodique et les outils conceptuels de la discipline aident à comprendre le principe et les modalités d’un tel dispositif, permettant de mieux savourer, au-delà d’une saisie intuitive, le travail de l’humoriste.

Pour y parvenir, l’étude nécessite d’assez nombreuses spécifications conceptuelles et terminologiques, dont la lecture, si elle souhaite prendre la pleine mesure de l’éclairage analytique, doit s’attacher à suivre patiemment les étapes. L’effort demandé ne manque pas de trouver sa récompense, en particulier vers la fin de l’exposé, lorsqu’est établi avec une acuité remarquable l’effet singulier qu’obtient, dans un dessin à l’allure très épurée, la parcimonie avec laquelle est rendue la bouche du personnage. De cette mise en évidence découle une perception affinée des ressorts propres à la représentation graphique, en interaction avec les ressources du langage.

Cependant la manière dont est présentée la démonstration ménage, pour celles ou ceux que les minuties théoriques rebuteraient, un accès plus direct aux résultats. En effet une différenciation advient selon trois sortes de zones, dont il n’est indispensable de parcourir intégralement que les deux premières : une zone d’introduction, qui explicite les bases de la théorie et les ressorts essentiels de la méthode suivie ; une zone d’observation, qui envisage des exemples dont la série conduit progressivement à l’analyse de l’objet en cause (elle se démarque de la précédente par un décalage sur la droite) ; une zone d’exploration, qui spécifie les fonctionnements repérés grâce à une panoplie de concepts articulés entre eux (elle se distingue des deux autres par un encadrement et sa désignation comme « technoscrit »).

Cette façon d’agencer l’étude met en œuvre une variante du dispositif à deux zones, qui se rencontre dans le Carnet n° 1. Au lieu d’appliquer la norme, qui réserve aux technoscrits l’emploi exclusif du vocabulaire propre à la textique, elle impose aux destinataires, comme un préalable à l’éclairage analytique, d’en découvrir au moins les rudiments, avec l’espoir peut-être qu’ils se prennent au jeu et se donnent la peine de parcourir l’intégralité de l’exposé.