Révolutions minuscules,
Pour une théorie du Nouveau Roman
et autres écrits 1971
Ce cinquième tome couvre la seule année 1971, année féconde en publications, puisque ce ne sont pas moins de deux livres qui paraissent alors.
Le premier est un assemblage de courtes fictions écrites de 1960 à 1970 et intitulé Révolutions minuscules. Tout comme Les lieux-dits en 1969, ce livre a été originellement publié aux éditions Gallimard, dans la collection “Le chemin”. Le recueil était présenté ainsi:
“Ces “nouvelles” offrent des paysages chimériques ou non, mais toujours rhétoriques; le récit s’imbrique lui-même dans la description. La thématique, savamment orchestrée, est toujours l’effet d’agencements minutieux.
Une circulation comme magique s’accomplit ainsi, par ces Révolutions minuscules, entre les choses, entre les mots, entre les choses et les mots.”
Le second, intitulé Pour une théorie du Nouveau Roman, est un recueil des plus importants articles théoriques écrits depuis la parution, en 1967, de Problèmes du Nouveau Roman, dont ce nouvel ensemble constitue une manière de prolongement. Encore membre du comité de rédaction de Tel Quel, c’est dans la collection dont la revue dispose aux éditions du Seuil que Jean Ricardou fait paraître son livre quelques mois avant d’envoyer une lettre de démission qu’on pourra lire ici.
Cette année 1971 est également celle où se tient, à Cerisy-la-Salle, le colloque historique Nouveau Roman: hier, aujourd’hui qui, outre Jean Ricardou lui-même, réunit six écrivains (Nathalie Sarraute, Claude Simon, Claude Ollier, Robert Pinget, Alain Robbe-Grillet, Michel Butor) ayant admis de se voir assemblés sous cette étiquette. Cette rencontre décisive est l’occasion pour Jean Ricardou de produire deux communications majeures que l’on retrouvera dans ce volume: l’une consacrée à la détermination théorique de ce que pourrait être le Nouveau Roman, entendu comme “collectif” et non comme simple collection d’auteurs; l’autre dédiée à la genèse de son roman La prise de Constantinople, dont il dévoile la vertigineuse mécanique productrice.
Autour de ces textes gravitent nombre d’interventions aigües qui accompagnent la montée en puissance d’un écrivain dont, en cette période, l’importance est progressivement reconnue sur la scène intellectuelle française et internationale.
Extrait de l’introduction
La force d’une position intellectuelle ne reposant pas seulement sur l’éventuelle vigueur de la pensée qui la soutient mais également sur le nombre de personnes dont cette position contrôle le discours et la conduite, on ne s’étonnera pas que la position anti-représentative défendue par Jean Ricardou génère une massive antipathie. Quand, au cours des débats du colloque Nouveau Roman: hier, aujourd’hui, il s’oppose à Alain Robbe-Grillet, ce n’est pas à la confrontation de deux hommes que l’on assiste mais, plus titanesque, au combat d’un solitaire contre une multitude: celle-là même dont le magnétophone, “qui fait foi”, enregistre les murmures désapprobateurs ou les applaudissements vengeurs, montant telle une houle, pareille à celle qui, sept ans plus tôt, avait soulevé la salle lors du célèbre Débat de la Mutualité.
Cette rumeur est le bruit de fond de tout ce qui semble valoir socialement aujourd’hui, un fond sur lequel se détache la voix sans doute un peu isolée de Jean Ricardou mais si pleine d’espérance.