Rien n’est donné, tout est construit.
Gaston Bachelard
Amorcée par Jean Ricardou entre 1984 et 1986, dans le cadre d’un séminaire au Collège international de philosophie, la textique est une discipline originale ayant pour objectif l’élaboration d’une théorie unifiante de toutes les opérations de l’écriture et de toutes les structures de l’écrit.
De prime abord, une telle ambition peut sembler excessive, pour ne pas dire extravagante… Si le propos n’est pas aussi démesuré qu’il n’y paraît, c’est que l’immensité du domaine assigné est explorée par niveau.
Pour le niveau le plus général est déterminé un jeu réduit de concepts dont la théorie postule qu’ils sont capables de rendre compte exhaustivement de la totalité des structures possibles à ce niveau.
Puis, par paliers successifs, une spécification a lieu, à l’aide d’ensembles conceptuels toujours plus détaillés. Ainsi, du général au très particulier, est obtenu un approfondissement progressif sans perdre de vue la totalité de la problématique.
L’exhaustivité à laquelle prétend la textique est méthodologiquement garantie par une procédure de réfutabilité: pour démontrer que les matrices textiques ne sont pas exhaustives, il suffit de produire un contre-exemple rigoureusement argumenté.
L’intérêt de la textique?
Sur le plan de la théorie, elle permet, d’abord, une mise en cohérence de mécanismes plus ou moins pensés par la narratologie, la poétique, la rhétorique, la stylistique; ensuite, une reconsidération critique de certaines catégories trop facilement admises, comme la polysémie; enfin, une réévaluation de certains aspects de l’écrit souvent négligés, voire méconnus, comme les différentes corrélations entre les emplacements.
Sur le plan de l’analyse, elle offre des outils pour des examens scrupuleux aux résultats inédits, éclairant des occurrences que l’on tend trop vite à juger anodines, comme les ”coquilles” dont l’étude révèle qu’elles recouvrent des types de structures très diversifiés.
Sur le plan de l’écriture, elle ouvre sur un ensemble de procédures permettant de rectifier comme de renforcer les structures d’un écrit, disponibles notamment pour une pratique à plusieurs de la récriture.
Depuis ses débuts au Collège International de Philosophie, cette discipline a connu de considérables développements et maintes reformulations. En juillet 2016, peu de temps avant sa disparition, Jean Ricardou livrait, en trois tomes, le cœur de sa théorie, selon une nouvelle mouture, articulée autour du concept d’opération.
C’est ce dernier état que Les impressions nouvelles ont choisi de publier aussitôt.
Intellection textique partagée est le premier de ces volumes et présente les bases requises par la textique pour établir les éléments communs à toute la discipline. L’ouvrage donne accès à une compréhension inédite et rigoureuse de l’écrit et de l’écriture.
Sa dynamique novatrice conjugue une élégante formulation avec une éclairante rigueur.