UN PEU de ce que vous n’avez jamais voulu savoir en matière de citation sur
UNE MANŒUVRE DE PROUST
Grivèlerie propose l’analyse d’une étrange malversation, trop longtemps maintenue sous silence: l’inexacte citation du passage de Chateaubriand sur le “chant de la grive”, commise par Marcel Proust dans À la recherche du temps perdu.
Alors que la plupart des critiques proustiens semblent n’avoir jamais mis en doute la justesse de la phrase des Mémoires d’Outre-Tombe reprise par le célèbre auteur du XXè siècle, Grivèlerie s’attache d’abord à soigneusement en établir l’inexactitude avant que d’en fournir une interprétation plutôt précise.
La démonstration est administrée en appliquant la règle dite “bizonale” qui cantonne le vocabulaire technique de la textique dans certaines zones minoritaires et identifiables au premier coup d’œil. Cette façon de procéder permet que le livre soit lu aussi bien par qui ne connaît pas les concepts de la discipline, voire souhaite continuer à les ignorer (il suffit de sauter les “technoscrits”) que par qui souhaite au contraire les saisir, voire les approfondir (il convient alors de les parcourir attentivement).
Une seconde caractéristique distingue le livre de Jean Ricardou : l’abondance des formules installant des articulations logiques (“En effet”, “Car”, “C’est que”), puisqu’on les trouve au début de presque chacun des paragraphes du texte.
Ce que cette façon d’écrire exhibe n’est rien de moins, vis-à-vis de la lecture, qu’un scrupule majeur : celui de réduire au moindre le péremptoire des assertions (qui pullule, en général, dans les écrits ordinaires), par le recours à une argumentation suffisamment soigneuse pour qu’en soient étayées, sans attendre, et la teneur, et la venue.
C’est que si, en Textique, la lectrice et le lecteur sont toujours invités à une ferme concentration de leur pensée, les texticiennes et les texticiens se trahissent à ce qu’ils ont à cœur, systématiquement, de leur en fournir au mieux, fût-ce parfois au prix d’offusquer, les moins douteuses chances.
[d’après la présentation de Jean Ricardou, Textica 1, 2, 3, Grivèlerie, p. 14-15]