La textique, avec l’objectif d’établir une théorie unifiante des structures de l’écrit et des opérations d’écriture, a été initiée par Jean Ricardou. Issue de ses productions théoriques antérieures, elle en dépasse largement les enjeux par la cohérence de son appareil conceptuel comme par l’ampleur de son champ d’application.
C’est pourquoi un site dédié à l’œuvre de Jean Ricardou se doit de faire une place particulière à cette discipline.
Tel est le cas avec la rubrique consacrée à la série Textica des Impressions Nouvelles : elle présente les volumes déjà publiés mais évoque aussi l’existence de nombreuses études qui n’ont connu qu’une distribution restreinte, étant réservées aux participants des séminaires annuels de textique (les SEMTEXT en abrégé) ou aux membres du Cercle Ouvert de Recherche en TEXTique (le CORTEXT en abrégé).
Tel est le cas non moins avec la rubrique ici proposée : elle est destinée à offrir progressivement un échantillon appréciable d’études inédites fondées sur la textique, élaborées non seulement par Jean Ricardou mais aussi par d’autres chercheurs.
De fait les deux instances qui viennent d’être mentionnées, le SEMTEXT et le CORTEXT, font comprendre que le développement de la discipline ne se réalisait pas comme l’exclusive tâche d’un penseur isolé, mais s’appuyait sur une collaboration, autorisant un débat collectif qui permettait de confronter les points de vue et de tester la pertinence des pistes nouvelles.
La production résultante éclaire sur la dynamique et la portée de la recherche. Il était loisible d’y sélectionner des écrits dont la teneur soit propre à intéresser un public bien plus large qu’une assemblée de spécialistes. C’est le parti qu’adoptent les Carnets de textique, avec l’ambition de ménager un vecteur de diffusion complémentaire par rapport aux ouvrages imprimés. De la sorte est rendu aussitôt accessible un ensemble de travaux dont l’abondance interdit la publication immédiate en volumes.
Il convient d’éclairer les modalités d’une telle entreprise, en explicitant les principes d’agencement et de fonctionnement qu’elle suit.
Les motifs de la pluralité
Le pluriel que comporte le titre vaut pour désigner une collection, obtenue grâce à l’insert graduel d’éléments qui, chacun, forment un carnet autonome, dédié à un objet d’étude ou un point de théorie particulier, tandis que leur groupement est apte à constituer, sous les auspices d’une même discipline et d’une démarche analogue, un corpus cohérent.
Ainsi le recueil en développement réunit des composantes disjointes, qui, dans la mesure où elles occupent des enclos distincts, peuvent conserver leur présentation et leur pagination. En effet, comme les normes assignées à leurs agencements respectifs sont appliquées chaque fois au sein d’un espace délimité, elles n’entrent pas, dans ce cadre, en conflit avec d’autres. Bien plus l’examen des disparités, qui découlent notamment des écarts de dates dans leur réalisation, permet d’apprécier les avantages ou les inconvénients des procédures adoptées.
De la sorte les Carnets de textique, profitant de la souplesse offerte par la mise en ligne, ne sont pas organisés d’après le modèle d’une revue, qui implique une certaine fréquence et réunit une série d’articles dans un numéro aménagé de façon homogène.
Aussi l’échelonnement dans le temps de même que le nombre des intégrations effectuées sont-ils susceptibles de varier, sachant toutefois que plusieurs études seront ajoutées dans le cours d’une même année.
En somme la distribution selon des carnets indépendants métaphorise, dans le contexte numérique, un découpage matériel qui substitue aux exemplaires d’un périodique une somme en expansion d’articles séparés.
Quant à la cohésion d’ensemble, que subsume l’intitulé, elle repose à la fois sur le conjoint recours à la textique et sur une organisation englobante, qui rattache tous les éléments à une structure unitaire.
Les ressorts de l’unification
Si chacune des études regroupées dans les Carnets de textique est proposée à la lecture indépendamment des autres, il n’empêche qu’un dispositif commun assure la solidarité de la publication, selon un cumul de travaux contribuant à l’essor d’une même discipline.
De manière générale, le présent exposé à vocation introductive joue d’emblée ce rôle fédérateur.
De manière plus spécifique, s’ajoutent des instruments destinés à faciliter la lecture, à favoriser son éventuelle circulation d’un carnet à un autre, en y repérant par exemple des objets de recherche analogues.
À cet effet les carnets reçoivent un numéro d’ordre et bénéficient de brèves présentations, qui font ressortir les grandes lignes de leur propos et se trouvent réunies dans une rubrique spéciale, « Esquisses ».
Mais un tel agencement serait insuffisant s’il n’était accompagné d’un répertoire qui aide à se repérer parmi les termes techniques auxquels recourent les raisonnements dans les divers articles.
En effet, l’édifice théorique requiert un certain nombre de néologismes dont il importe de pouvoir aisément retrouver la définition. De plus, comme la textique est une discipline récente, elle n’a cessé de faire évoluer à la fois l’économie de ses concepts, qui ont été soumis à divers ajustements, et la physionomie de son vocabulaire, qui a subi des transformations parfois importantes.
Cependant rendre homogène sous cet angle la totalité des études regroupées ne semble pas réalisable : une mise à jour systématique aboutirait à remanier trop sensiblement certaines d’entre elles, au point de les rendre méconnaissables. C’est pourquoi la décision a été prise de conserver les références théoriques et la terminologie de la période où chaque écrit a été confectionné, tout en précisant les correspondances entre les vocables alors employés et leurs équivalents plus récents.
Pour ce faire un index général regroupe tous les termes techniques figurant dans les différents carnets. En principe, les entrées correspondent à la première occurrence du vocable, sauf dans les cas où un item ultérieur offre un accès plus commode à la définition. En outre, lorsque la désignation n’est plus utilisée ou que son acception a changé, une référence, chaque fois qu’il en existe une, lui est associée, renvoyant à son corrélat dans la version la plus actuelle de la théorie.
Au bout du compte le dispositif unitaire qui se dégage dans les Carnets de textique mobilise une distribution en trois parties :
- une partie de présentation, comprenant l’exposition générale en cours ici même et le catalogue des écrits inclus dans le corpus, assortis chacun d’une analyse sommaire ;
- une partie d’intégration, destinée à devenir de très loin la plus ample, constituée par la série des carnets eux-mêmes ;
- une partie de désignation, adjoignant à l’index des concepts mobilisés dans les divers carnets, les index d’Intellection Textique, destinés au trio de volumes publié en 2017 aux Impressions Nouvelles mais qu’il n’avait pas été possible d’y inclure, ainsi que l’index de l’ouvrage, en voie d’être édité, Intelligibilité structurale de l’écrit qui, avec ses dix fascicules et ses quelque mille quatre cents pages, développe le plus largement la textique.
Munie des instruments essentiels pour s’orienter parmi le cumul croissant des matériaux qui lui sont fournis, la lecture est alors à même d’effectuer des choix, non seulement à propos des sujets traités, mais également quant au régime qui lui convient le mieux pour les aborder.
Les modalités de la lecture
Par principe les Carnets de textique visent à mettre en ligne des écrits accessibles pour quiconque est prêt à consentir un effort d’attention. Aussi excluent-ils des recherches qui traitent d’un problème lié à l’édification de la discipline en cause ou, plus généralement, qui en réclament une connaissance préalable.
C’est pourquoi un tri a été accompli parmi les travaux disponibles afin de retenir uniquement ceux qui n’abordent pas de questions ardues ni ne soulèvent de débats internes, portant sur le développement de l’appareil conceptuel.
Par destination les Carnets de textique visent à éveiller l’intérêt d’un public aussi large que possible, appréciant les analyses méthodiques et approfondies, qui éclairent certains aspects des mécanismes propres aux écrits et aux opérations d’écriture.
C’est pourquoi un choix a été réalisé afin de proposer des études concernant des domaines variés, pour peu que l’examen fasse ressortir des structures originales et cohérentes qui, à ce titre, méritent d’être explorées.
Nul doute que ce type d’options puisse éveiller l’intérêt de personnes qui goûtent les travaux de Jean Ricardou antérieurs à l’émergence de la textique. La lecture de différents carnets, sans contraindre pour autant à se plonger dans la théorie qui les régit, offre un échantillon des possibilités ouvertes par la méthode et les outils d’intellection que la discipline a développés.
L’éventail des occurrences analysées s’avère très large. C’est qu’il répond à une approche de l’écrit qui ne se ramène pas à l’acception usuelle du terme, restreinte aux transpositions graphiques d’un langage, notamment grâce à l’alphabet.
En effet, pour des motifs qu’il serait trop long d’expliciter mais dont la logique est éclairée par les études fournies, la textique conçoit comme un écrit tout agencement de zones qu’une différence rend discernables les unes par rapport aux autres, si bien qu’elles constituent un champ structuré, dont tous les aspects sont passibles d’un examen raisonné (pour une justification théorique sommaire de ce principe différentiel, voir Gilles Tronchet, Un aperçu de la textique, Les Impressions Nouvelles, Bruxelles, 2012, p. 38-52).
Selon cette optique la simple coprésence de plages à la couleur ou la tonalité distincte suffit à établir un écrit, dont la caractérisation se ramène alors à ses seules particularités matérielles. Mais, dans d’innombrables cas, une conformation spécifique permet d’associer aux éléments constitutifs de l’écrit des idées tout autres que celles relatives à leurs caractéristiques perceptibles, établissant ainsi une représentation. Cette dernière peut être obtenue grâce à des images, comme dans la peinture et le dessin, à des symboles ou à des séries de lettres.
Ce sont des occurrences à capacité représentative qu’envisage l’essentiel des études insérées dans les Carnets de textique. Cependant une approche théorique générale, qui les situe dans le domaine beaucoup plus vaste de l’écrit, aide à prendre en compte leur base matérielle commune, à observer les traits distinctifs de leurs ordonnances, alors que le mécanisme représentatif, parce qu’il focalise l’attention sur les aspects idéels, tend au contraire à les estomper, selon un fonctionnement appelé en textique une destitution.
Par exemple le premier carnet renferme une étude par Jean Ricardou sur l’arrangement très concerté des couvertures qu’offrent les dictionnaires le « petit Robert » et le « petit Robert 1″. Un jeu sur la répartition, dans un espace délimité, de l’alphabet entier, associé avec le titre du volume, fait transparaître les propriétés graphiques de l’assemblage, tout en ménageant une leçon implicite, la mise en valeur de l’ordre qui, au sein de tels ouvrages, préside à l’échelonnement des entrées.
Par exemple le deuxième carnet renferme une étude par Jean-Claude Raillon sur l’organisation subtile d’une vignette humoristique due à un dessinateur célèbre. Mobilisant à la fois une image, le dessin d’un personnage, un symbole, en l’espèce la bulle assignant, selon un lien usuel, telle formule qu’elle englobe à des propos tenus, et les suites de lettres qui concrétisent ceux-ci, un jeu fait ressortir la façon dont l’ampleur matérielle d’un énoncé peut servir à en souligner la signification, tout en thématisant le dispositif à l’œuvre.
Il est prévisible que les organisations examinées dans ces deux études, bien qu’elles relèvent d’un unique domaine, l’écrit, et soient traitées suivant une même démarche conceptuelle, suscitent des observations très différentes. Globalement la diversité des objets abordés, telle qu’elle va ressortir peu à peu dans la série des carnets, donne à la lecture l’occasion, en se guidant sur les esquisses respectives qui les présentent, de sélectionner certains types d’écrits ou d’agencements.
Cette modulation possible des parcours à travers le corpus des Carnets se double d’une flexibilité ménagée par maintes études, qui exemptent, pour prendre connaissance des résultats obtenus par l’analyse, d’avoir à se familiariser avec les instruments complexes de la théorie. En effet, dans la majorité des cas, selon que l’intérêt porte sur la seule découverte d’une organisation remarquable propre à tel écrit ou bien s’étend aux enjeux conceptuels du raisonnement déployé pour la manifester, les développements laissent le choix entre deux régimes de lecture.
À cette fin de précis protocoles d’écriture ont été mis au point : tantôt une séparation systématique de l’exposé en deux zones, dont l’une exclut tout recours au vocabulaire et aux outils techniques, permet à qui le souhaite d’éviter totalement les références à la discipline ; tantôt un emploi des concepts strictement limité aux leviers majeurs de la textique, alors accompagné d’explications détaillées, n’exige qu’une amorce d’initiation, tout en aidant à saisir la logique de l’enquête.
Quoi qu’il en soit, chacune des analyses proposées témoigne d’un effort soutenu pour empêcher qu’une profuse terminologie n’entrave l’accès aux raisonnements.
De ce fait les personnes qui consultent le site pour d’autres motifs qu’une attirance envers la textique, par exemple dans le cadre de recherches concernant le Nouveau Roman ou la théorie du récit, si elles ont la curiosité d’aller voir la rubrique des Carnets, ne devraient pas être décontenancées par la mise en œuvre de la discipline, même si elles en ignorent tout.
Certes, il est possible que l’angle d’approche inhabituel de la méthode et le caractère méticuleux de certaines explorations suscitent parfois l’étonnement et rendent certains développements difficiles à suivre jusqu’au bout.
De fait la minutie dont les études font preuve pour scruter dans le moindre détail les mécanismes de l’écrit exige une application soutenue, mais nullement hors d’atteinte pour celles et ceux qui goûtent la rigueur dans l’examen.
Alors, pour qui vise à pleinement saisir toutes les spécifications des structures et des mécanismes discernables, afin d’être à même d’évaluer la cohérence de la démonstration et la pertinence des analyses, devrait se faire sentir le besoin de mieux connaître les concepts de la théorie et la manière dont ils s’articulent en un édifice cohérent.
Il est indéniable qu’un tel effort exige corrélativement de s’accoutumer à un ensemble de termes que l’élaboration de la textique, marquée par un souci de précision croissante, a produits en abondance, sachant que, par surcroît, l’évolution de la discipline a suscité nombre de transformations dans ce vocabulaire.
Cependant l’afflux de néologismes, souvent obtenus en associant des segments issus du grec ancien, ne mérite pas d’effaroucher. En effet la valeur que reçoivent les constituants est chaque fois explicitée, tandis que leur présence combinée dans les dénominations limite leur nombre, tout en aidant à saisir leurs implications mutuelles.
En cas de doute sur un vocable, la présence des index permet un accès facile à la définition correspondante et la prise en compte des changements éventuels subis par les désignations.
De fait, comme les travaux recueillis dans les carnets s’échelonnent sur plusieurs décennies, il n’est pas étonnant que leur ensemble fasse apparaître de multiples variations dans l’usage des termes techniques. Par exemple l’affixe employé pour indiquer le repérage de quelque imperfection, dans une structure de l’écrit ou lors d’une opération d’écriture, a d’abord été caco (du grec ancien kakos, « mauvais »), avec une claire implication axiologique, insistant sur la nécessité d’un effort pour corriger l’anomalie ; ensuite, afin d’éviter que le résultat d’une analyse prenne l’allure d’une condamnation, est intervenu le remplacement par anortho (du grec ancien an, préfixe privatif, et orthos, « correct »), qui se borne à signaler une absence d’adéquation, justifiant malgré tout la recherche d’une rectification ; puis le souci d’attester quand même le caractère problématique de l’occurrence a entraîné le recours à l’actuel dysortho (du grec ancien dus, préfixe marquant une perturbation, et orthos, « correct »). En définitive le gain conceptuel issu de ces deux substitutions, outre le soin mis à soustraire de la théorie les jugements de valeur, est de montrer que toute irrégularité, comme elle résulte d’une logique inaboutie, n’est jamais discernable qu’en regard de l’adéquation qui fait défaut (opportunément rappelée grâce à l’affixe ortho).
Bien entendu suivre la piste d’évolutions analogues dans les Carnets de textique réclame une extrême attention : ce type de démarche correspond plus spécialement à des lecteurs et des lectrices déjà au courant de la méthode et du vocabulaire ou qui font preuve d’une exceptionnelle ténacité pour en scruter les développements.
Mais il importe de souligner que la variabilité dont témoigne la textique à travers l’échelonnement temporel des études offertes est l’indice d’une approche épistémologique prudente, qui relativise les acquis présumés, comme des étapes dans un processus de recherche illimité. Il ne s’agit pas de procurer un enseignement qui se donnerait pour incontestable ni de prétendre fournir un savoir définitif.
En effet toutes les enquêtes menées sont plutôt envisagées comme des tentatives susceptibles de permettre une compréhension moins partielle et superficielle des objets examinés. De la sorte l’effort d’analyse et de conceptualisation ne se targue pas de produire une connaissance pleine et entière, mais aspire plutôt à réduire la méconnaissance, autrement dit à obtenir une déméconnaissance.
Par hypothèse une telle perspective invite à faire intervenir dans la théorie de continuels réaménagements. Elle est associée à une conception critique de la lecture, dont l’exercice mène toujours tendanciellement à une pratique de récriture.
En effet rien ne saurait exclure que des articles, malgré le soin consacré à leur élaboration, contiennent des affirmations discutables, des raisonnements inadéquats, des formulations maladroites, voire des lacunes ou des inadvertances. Dès lors une réception vigilante et affûtée doit être apte à découvrir ces insuffisances et, le cas échéant, à trouver quelque issue propre à perfectionner l’écrit en cause.
Tel est le cas notamment pour les carnets eux-mêmes, comme pour le dispositif qui les englobe, en particulier les éclaircissements qui se développent ici. Il n’est pas improbable qu’y soient détectés, touchant un point de détail ou quelque aspect plus déterminant, des obscurités, des bévues ou des manques. Alors il paraît légitime que le repérage de tels défauts conduise à une recherche d’améliorations.
Ainsi la souplesse du parcours offert, comme cela vient d’être montré, par les Carnets de textique, se double d’une adaptabilité qui s’applique à chacune de leurs composantes.
C’est pourquoi un prolongement logique à l’activité de lecture consiste en la mise en œuvre d’une écriture résultante, qui doit avoir l’occasion de se manifester par des remarques, des objections, débouchant sur des propositions d’amendements ou de compléments, adressées à la rédaction des Carnets. Pour que cette dynamique puisse prendre tout son essor, il est nécessaire de lui fournir un cadre défini. Aussi convient-il d’annoncer quelle prise en compte est réservée à de telles relances et quelles modalités d’intégration sont prévues pour leurs apports.
Les relances de l’écriture
D’après la textique, les opérations de lecture, sauf torpeur ou passivité, qu’alimente, il est vrai, le mécanisme de destitution, sont inséparables d’une pratique d’écriture, au moins virtuelle.
En effet l’examen attentif d’un écrit, comme il s’attache à saisir la cohérence qui s’en dégage, les règles qui s’y imposent, amène à discerner d’éventuelles inconséquences, et dès lors à s’interroger sur la viabilité de solutions susceptibles d’y remédier. Une telle perspective revient à entamer, fût-il mental et restreint à un court segment, un effort de récriture.
La démarche n’a pas seulement pour intérêt de maintenir l’esprit en éveil par l’exercice d’une réflexion critique, elle favorise également une lucidité accrue sur les ressorts de l’écrit envisagé. Elle aide en particulier à découvrir comment, dans certains cas, la présence d’anomalies répond à des impératifs structuraux, si bien qu’il est impossible de les supprimer sans porter atteinte à l’organisation en vigueur. Ce qui pourrait passer à première vue pour un défaut s’avère l’indice d’un arrangement plus subtil.
Toutefois il n’est pas rare que s’accrédite la légitimité d’une modification, avec l’assurance qu’elle apporte à l’écrit une amélioration effective. Or la stabilité matérielle des ouvrages imprimés ne rend guère praticable une action immédiate sur leur ordonnance. Par contre la diffusion en ligne offre des conditions propices pour agir sur la teneur des documents fournis, aussitôt aménageables pour peu que soient formulées des solutions adéquates.
Aussi les Carnets de textique donnent-ils l’occasion de concrétiser la corrélation de principe qu’établit la théorie entre la lecture et l’écriture. Dès lors il semble aller de soi qu’ils garantissent aux visiteuses et aux visiteurs la possibilité d’intervenir à propos de chaque rubrique. C’est pourquoi chaque portion des Carnets se trouve agencée de manière à réserver une place pour les divers problèmes soulevés le cas échéant par les lecteurs et les lectrices.
Bien entendu, puisque les remarques émises et les transformations préconisées s’adressent à un écrit d’ordre théorique, elles doivent se rattacher au sujet traité, en respectant dans la mesure du possible les exigences logiques d’une argumentation.
En tout état de cause, leur pertinence ne saurait être avérée qu’à l’issue d’un débat, auquel est susceptible de prendre part, outre la rédaction des Carnets, quiconque souhaite défendre un point de vue sur la question ou apporter une précision.
L’accueil des avis extérieurs s’effectue selon trois étapes, la dernière étant conditionnelle :
- une réception, destinée à collecter tous les questionnements et commentaires : cet accueil est disponible grâce à la rubrique « Contact » (« nous contacter ») du site, l’objet à indiquer étant « Carnets de textique », le secteur concerné devant être précisé au début du message, auquel, si nécessaire, un dossier peut être joint ;
- une réaction, vouée à reprendre chacune des remarques adressées pour y apporter une réponse, admettre ou discuter la justesse des critiques et des propositions : selon le retentissement potentiel de l’intervention et son degré d’élaboration, ce retour peut se borner à un courrier individuel ou prendre place, à la suite du questionnement, dans une discussion susceptible d’être prolongée par d’autres interventions, au sein d’une rubrique spéciale, incluse dans la première partie des Carnets, « Échanges » ;
- une répercussion éventuelle, propre à intégrer les aménagements préconisés, une fois qu’ils ont été reconnus valides : lorsqu’il s’agit de simples rectifications à une flagrante bévue, cette insertion est immédiate, mais lorsque les modifications ont plus d’envergure ou prêtent à controverse, elle ne saurait advenir qu’à l’issue d’un probant échange d’arguments, sa teneur pouvant par ailleurs être ajustée.
À chaque fois, la modalité d’incorporation dans les Carnets va dépendre des constituants auxquels s’applique l’apport.
En effet il est indispensable de faire le partage entre les écrits qui concourent au dispositif englobant et ceux qu’offrent les différents carnets, isolés les uns des autres.
Les premiers, comme ils forment un accompagnement conjoncturel, sont susceptibles d’évoluer en fonction des critiques émises et des modifications préconisées, dès lors qu’un perfectionnement s’avère réalisable.
Ainsi la rédaction des Carnets, face au signalement d’une erreur grammaticale dans une phrase ou d’une lacune dans un index, est à même d’introduire sans délai des rectificatifs qui vont de soi ; elle s’efforce d’apporter non moins des solutions adéquates aux problèmes plus complexes en tenant compte des propositions reçues, de manière à remanier par exemple un énoncé obscur ou compléter des explications insuffisamment détaillées.
Les seconds, comme ils forment des inserts autonomes, introduits dans un état d’élaboration déterminé, correspondant à une date précise, n’autorisent pas une récriture directe, qui altérerait leur particularité, mais admettent des ajouts externes, contestant certains de leurs développements ou prolongeant les pistes qu’ils amorcent.
Ainsi la rédaction des Carnets, sauf pour corriger une évidente coquille, ne saurait modifier ces écrits, mais elle se prête à leur adjoindre des annexes consultables à partir de l’étude en cause : par exemple l’utilité d’un concept, la justesse d’un diagnostic peuvent être mises en doute, ou des instruments de pensée nouveaux déduits du raisonnement tenu dans l’écrit ; il n’est pas non plus inimaginable qu’une étude entière découle d’une réflexion approfondie menée à partir d’un des carnets : en supposant qu’elle atteigne une rigueur théorique et une ampleur suffisantes, elle aurait vocation à constituer un carnet additionnel, spécialement rattaché à celui qu’elle prend pour objet (il serait alors couplé avec ce dernier, en recevant le même numéro, assorti d’un bis).
Nul ne saurait trop encourager les lectrices et les lecteurs à s’investir dans la dynamique de pensée ainsi promue par l’organisation interactive qui vient d’être décrite. Ces dispositions, accessibles à tous et toutes, visent à stimuler l’envie de mieux connaître les rouages d’une théorie dont le développement est ouvert à des contributions de teneur et d’ampleur variées.
Dans le meilleur des cas, l’incitation réussirait à provoquer la fabrique d’articles originaux, consacrés à tel ou tel aspect de la théorie et propres à être incorporés à leur tour dans la collection des carnets.
Dans les cas où les résultats du geste coopératif prennent une moindre ampleur, c’est la rubrique « Échanges » qui doit accueillir à mesure les diverses interventions : tantôt, quand les débats portent sur les écrits de présentation, dans une première entrée qui s’intitule « Aménagement des Carnets », tantôt, quand ils concernent l’une des études insérées, dans une entrée ultérieure expressément destinée à ce carnet particulier.
Bien entendu l’expérience d’un processus qui donne au public l’initiative pour agir en retour sur les écrits qu’il découvre, en impliquant une relance de la lecture par l’écriture sous les espèces de la transformation et de la complémentation, nécessite beaucoup de prudence : pour éviter que soient ratifiés à la légère des changements indus, des ajouts inadéquats, tout réaménagement doit faire l’objet d’une évaluation scrupuleuse, en donnant aux échanges d’arguments le loisir de se déployer selon un effort commun de rationalité.
Sous réserve de telles précautions, la plasticité dont les Carnets de textique s’attachent à faire preuve offre l’avantage de ne pas figer les leçons théoriques des articles accumulés, comme si leur somme tendait à établir une sorte de doctrine : à travers une remise en cause toujours loisible, la discipline se prête à une construction sans cesse poursuivie.
Des effets de ce processus, tel qu’il se concrétisera sur le site, il importe que lecteurs ou lectrices puissent être mis-es au courant, dès lors qu’elles ou ils en manifestent le souhait. Pour ce faire chacun-e est invité-e à utiliser la rubrique intitulée « Contact » (« nous contacter »), en précisant comme objet « Carnets de textique » et comme message « Prière de m’inscrire sur la liste « Échos des Carnets » » : celle-ci correspond à un bulletin sommaire, qui sera envoyé pour annoncer chaque insertion d’un ou de nouveaux carnets, tout en signalant par la même occasion les éventuels ajouts effectués dans la rubrique “Échanges”.