Nouveaux problèmes du roman

et autres écrits 1978-1979

Ce huitième tome de l’Intégrale Jean Ricardou regroupe les publications des années 1978-1979. Il propose la réédition d’un ouvrage majeur pour la théorie littéraire, Nouveaux problèmes du roman, qui réunit cinq articles déjà parus mais soigneusement revus, certains largement développés. L’ensemble, unifié avec méthode et minutie, fait notamment ressortir les obstacles inhérents à l’écriture narrative elle-même, ainsi que les efforts de certains écrivains pour jouer avec ces difficultés, ce qui rend leur pratique spécialement inventive, comme c’est le cas pour Flaubert et Proust, Claude Simon et Alain Robbe-Grillet. Les œuvres examinées reçoivent des analyses lucides et approfondies, dont la critique littéraire pourrait encore actuellement tirer un grand profit. En effet elles éclairent bien des aspects dans l’organisation des textes et aident à comprendre de nombreux principes d’élaboration. Corrélativement sont explicités à travers tout l’ouvrage les ressorts d’une écriture fictionnelle poursuivant une stratégie spécifique, nommée productrice. Dans le dernier chapitre, Jean Ricardou se penche sur sa mise en œuvre pour la composition d’un de ses romans, La prise de Constantinople : son principe est de fabriquer des récits dont le sens n’est pas assigné par avance mais découle d’un édifice verbal que l’écrivain agence à mesure, tout en renforçant la cohérence des structures qu’il met en place.

Dans la même période Jean Ricardou s’est efforcé de montrer comment les résultats de telles recherches sont adaptables dans la sphère de la pédagogie. Il consacre plusieurs articles pionniers à l’examen des fonctionnements de l’écriture en atelier, déterminant les protocoles applicables dans ce cadre (c’est alors que s’amorce une collaboration fructueuse avec la revue Pratiques). Il accorde une place décisive au travail en commun pour le repérage des agencements établis dans les écrits et pour la recherche de leur perfectionnement, soulignant les interactions fertiles entre les membres du groupe et son animateur, qui, souligne-t-il, doit avoir lui-même impérativement une expérience d’écrivain.

En outre l’attention qu’il porte au rôle déterminant que, dans ce cadre, assume la lecture le conduit à envisager cette activité comme une phase à part entière de l’écriture et à mettre au point une théorie objectivant les mécanismes d’identification qu’elle requiert, à la fois pour les éléments matériels qui constituent l’écrit et pour les idées qui leur sont associables. C’est un mécanisme d’échange, qu’il met en avant dans sa contribution au colloque sur la lecture qu’il co-dirige à Cerisy-la-Salle, mais où il doit faire face à l’opposition acharnée de ceux qui, à l’époque promeuvent l’approche subjective, dite de la « réception ».

Dans son ensemble le volume témoigne d’un palier atteint par la réflexion de Jean Ricardou ; il fait apparaître la précision et la complexité d’une pensée qui vise à élargir le champ d’application des résultats obtenus dans sa recherche à une pratique réfléchie de l’écriture et sa diffusion dans une activité en commun qui alimente en retour les recherches théoriques.

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