Ce carnet présente une contribution à la troisième occurrence du Semtext (autrement dit le séminaire annuel de textique), organisé durant l’été 1991 au Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle par Jean Ricardou.
Ce dernier, initiateur de la discipline, dont l’émergence était encore récente, s’est appliqué à en fournir un exposé synthétique.
Jusque là il avait déployé ses recherches dans de multiples directions, afin d’inventorier divers types de structures avec leurs ramifications et de forger des outils d’analyse aussi performants que possible : un corpus conceptuel efficace et abondant avait été produit, mais auquel manquait une base unitaire, appuyée sur une organisation méthodique du propos.
En particulier, avec les quatre livraisons des Éléments de textique, parues dans la revue Conséquences, l’observation de nombreux exemples avait permis de dégager maints aspects d’un édifice théorique dont il importait désormais de faire apparaître les ressorts essentiels.
Somme toute, il était devenu indispensable d’offrir une vue d’ensemble, qui aide à comprendre la cohérence de l’exploration accomplie comme à en saisir les principaux résultats.
C’était d’ailleurs une demande formulée par plusieurs de celles et ceux qui suivaient de près le développement de la textique, en tâchant de bien en discerner les orientations mais sans toujours pleinement y parvenir.
L’un des membres du groupe invoquait le besoin d’obtenir une sorte de boîte à outils, où puiser les ressources adéquates pour examiner des écrits de tous ordres.
Mais cette attente d’un groupe restreint de concepts clés, à l’efficience garantie, comme une assise définitive pour la théorie, qui n’évoluerait ensuite que par l’ajout de compléments accessoires, devait être déçue.
En effet, au fil des versions, qui se sont succédé en même temps que les séminaires de textique, l’abrégé, appelé d’abord Compendium puis Promptuaire, a non seulement gagné en complexité comme en précision, mais également subi nombre de refontes, selon une adaptation permanente à l’avancement des travaux effectués.
C’est que, dans la perspective épistémologique adoptée par la discipline, il n’était pas question d’imposer une approche irrévocable de son objet, mais d’en exposer les principes à une réflexion critique, en affichant la démarche suivie et en se prêtant à toute éventuelle contestation, pourvu qu’elle soit argumentée, ce qui allait de pair avec une permanente remise en cause par son promoteur des acquis présumés.
Dès lors ce Compendium textique marque l’amorce d’un processus de crue et de métamorphose, qu’une précise postface de Gilles Tronchet s’efforce d’éclairer en y repérant l’émergence de problématiques décisives pour la théorie, l’insistance de résultats déjà bien établis et la présence de jalons augurant d’un essor ultérieur.
Certes, en regard des précédents carnets, celui-ci tranche par la généralité de son propos comme par son ampleur, qui atteint la taille d’un volume : son statut dérogatoire répond au spécial intérêt qu’il possède pour documenter une étape décisive de l’aventure intellectuelle majeure constituée par les développements de la textique durant trois décennies.
C’est que l’abrégé de 1991, d’une taille encore modique, a fini par atteindre, pour la version la plus aboutie du promptuaire, intitulée Intelligibilité structurale de l’écrit, quelque mille deux cents pages, distribuées en dix fascicules.
La dernière récriture complète de cet ensemble, qui demeure tout de même un abrégé, remonte à 2006, tandis que les trois premiers fascicules ont connu des remaniements jusqu’en 2015 ; en outre le tome initial, considérablement transformé en 2016, a été alors scindé en trois volumes, édités quant à eux dès 2017 aux Impressions nouvelles dans la collection Textica.
Afin d’offrir un tableau plus complet des outils conceptuels et de la méthode élaborés par Jean Ricardou, la publication intégrale mais progressive d’Intelligibilité structurale de l’écrit est programmée dans la même collection à partir de 2025.
Prélude à cette parution, la venue du Compendium de 1991 dans les Carnets de textique doit aider les esprits curieux à saisir les fondements et la dynamique d’une recherche qui a sans cesse manifesté un effort acharné de logique et de cohérence.
Cependant, dès lors que sa conception remonte à la phase initiale de la textique, l’ouvrage ne saurait être pris pour un commode résumé de la discipline, donnant un accès direct à ses principaux aspects et permettant d’en faire à peu de frais la découverte : ce serait négliger l’apparition au fil des années de développements théoriques entièrement nouveaux, qui jouent au sein de l’édifice actuel un rôle majeur.
En somme il s’agit d’illustrer grâce à une étape notable le cours d’une élaboration continue, pour aider à saisir les ressources heuristiques mises en œuvre et faciliter la compréhension des résultats ultérieurs.
Pour accueillir ce prélèvement distinctif dans le processus, le site numérique dédié aux travaux de Jean Ricardou semblait tout indiqué.